Artiste, un métier qui s’apprend

Chaque vendredi, Maxime se rend à l’atelier de Camille von Deschwanden. Aux côtés de cette artiste, de son nom Kami, il développe sa créativité mais découvre surtout un métier où les apprentissages sont multiples et se font tout au long d’une vie.

Avec délicatesse, Maxime répartit la matière afin de créer son papier.

« Je voulais faire un stage dans le domaine artistique. J’aime créer des objets avec différents matériaux », déclare Maxime.

Le bac, rempli d’eau, est prêt. Camille rappelle à Maxime le geste idéal à exécuter, de gauche à droite, comme pour écrire. Il verse attentivement la cellulose dans le cadre en bois qui flotte. Au préalable, il a ôté les bulles d’air et s’applique à remplir le contenant. Du bout des doigts, il répartit ensuite la matière de manière uniforme afin que la feuille de papier qui prend forme soit suffisamment épaisse et régulière.

Camille von Deschwanden, de son nom d’artiste Kami, accueille Maxime tous les vendredis dans son atelier, depuis le mois de février. Ce stage  est réalisé dans le cadre de la prestation de soutien socioprofessionnel en entreprise de la Fovahm. « J’aime bien cette activité de création de papier car elle met rarement la personne en situation d’échec, confie l’artiste. Tout est réutilisable. On peut déchirer la feuille, réadapter, la replonger dans l’eau ou recommencer. De plus, il y a beaucoup d’étapes différentes à mémoriser et dans chaque étape, de nombreux gestes à effectuer. »

Maxime, en train de préparer son papier et de réaliser des cartes, sous la supervision de Camille.

Les étapes, Maxime les connaît maintenant toutes. Il présente ses premières réalisations de cartes en expliquant : « Je mélange le papier et j’ajoute parfois du tissu, des éléments métalliques ou de la couleur. »

« Comme il voulait développer sa créativité, je l’ai encouragé à faire des prototypes, précise Camille. Il voit ainsi comment mettre en place un concept artistique et apprend à juger son travail ainsi qu’à s’autocritiquer. C’est tout le processus créatif qui est important. »

Maxime n’aime pas gaspiller. Ce qui tombe bien puisque l’artiste récupère divers éléments pour la création de ses œuvres et incite son stagiaire à voir certains déchets comme des opportunités de création, tels des citrons et noyaux de mangue transformés en lampe.

« Dans une activité artistique, tout a de l’importance, indique Camille. La récupération de matériaux aide à développer la créativité. Maxime a les compétences pour mettre en place ses propres stratégies dans sa créativité avec peu de choses ou peu de moyens. C’est une personne qui a beaucoup de finesse et travaille avec précision. »

« Je t’ai aussi aidée à tisser des cocons », mentionne Maxime.

Les sculptures Kocoon, faites de cuivre et fibre optique.

Des cocons (Kocoon), oui, mais faits de cuivre et fibre optique. Car les réalisations de Kami associent l’art à la musicothérapie et la colorimétrie. L’artiste commence par décoder la musique reçue d’un compositeur pour associer ensuite les fréquences émises par la lumière, les couleurs et la musique. Les dentelles et cocons sont ainsi principalement réalisés en fibre optique. Chaque dentelle est ensuite programmée pour coordonner les informations techniques à la musique dans le but d’offrir détente et sérénité aux personnes situées en-dessous. Ces œuvres sont l’aboutissement d’une longue et étroite collaboration avec un neurologue ainsi qu’un physicien de l’EPFL. L’artiste s’occupe de l’aspect artistique et la recherche de formes. Car au final, c’est celui-ci qui domine et qui fait oublier tout le côté technique.

Maxime, sous la lumière des dentelles, exposées à Mase.

Maxime a testé une dentelle et précise : « C’est un peu comme une lampe. J’étais couché sur un pouf, à l’aise et bien confortable. J’écoutais la musique. La lumière s’allumait en rythme et en changeant parfois de teinte. J’avais vraiment une impression de détente », confirme-t-il.

« Avant les dentelles, il y a eu tout un travail de recherche de papier lumineux qui m’a fait connaître la fibre optique en 2009, déclare Camille. C’est aussi ça que je souhaite transmettre à Maxime, la réalité du travail parfois gigantesque qu’il y a derrière chaque œuvre. On n’obtient pas quelque chose d’un simple coup de baguette magique. »

Un cocon (Kocoon) en cours de tissage.

« Maxime s’est d’abord exercé à tisser le métal, ajoute-t-elle, afin d’apprendre le geste. Il a ensuite fait des essais sur la fibre optique car s’il y a un pli sur la partie en cuivre, ce n’est pas grave. En revanche, la fibre optique pliée casse et la lumière ne passe plus. Il était donc important de procéder par étapes dans cet apprentissage. A présent, comme Maxime sait aussi préparer la matière pour faire du papier, il peut l’utiliser pour la propulser sur les parties métalliques des volumes. »

Le stagiaire a également accompagné Camille lors de rencontres avec des clients, comme à Genève pour poser une dentelle dans une salle de conférence. C’est l’occasion pour lui de se plonger dans le monde professionnel. Lors de l’installation de l’exposition The Bud à Mase (à découvrir jusqu’au 11 septembre 2022), Maxime a passé une semaine en continu avec l’artiste. « C’était vraiment intéressant de faire cette installation et de choisir des endroits en particulier pour exposer les œuvres, précise-t-il. Parfois je proposais mes idées. Mais la majorité du temps, je laissais Camille choisir sa vision des choses. »

L’artiste a ainsi pu montrer à son stagiaire tout le travail de scénographie qui est fait avant une exposition ainsi que la logistique nécessaire. L’installation et le démontage sont autant d’occasions d’apprendre, tant au niveau de l’outillage, du matériel technique que du transport et de l’organisation.

Camille montre à Maxime comment emballer une œuvre pour la protéger lors du transport.

« Durant cette semaine, nous avons pu mieux faire connaissance et comprendre nos rythmes. J’ai pu voir ce qu’il aimait ou pas, précise Camille. Découvrir nos centres d’intérêt communs dans le domaine artistique. Il a des côtés qui me surprennent, comme moi je peux aussi le surprendre. Il faut que nous trouvions un langage commun dans notre manière de fonctionner. Il apprend également à gérer l’espace-temps par lui-même avec, par exemple, un système de minuterie pour les pauses. Et même si parfois, la sonnerie reste endormie et qu’il faut se dépêcher, Maxime garde toujours son calme. Ce qui est génial avec lui, c’est qu’il n’est jamais en stress », déclare Camille en souriant.

Et cela même face à l’erreur. « Il aime travailler tranquillement car il est très minutieux et perfectionniste, explique l’artiste. Des erreurs arrivent cependant, comme par exemple lors d’un traçage à l’équerre d’éléments à découper. Nous avons dû recommencer et vérifier l’ensemble des mesures. Mais c’est bien qu’il découvre aussi cette facette par lui-même, car c’est par l’acceptation de ses erreurs que l’on grandit. Il apprend aussi l’importance de rester concentré à chaque étape afin d’éviter de gâcher la matière première. »

« Je suis parfois déçu du résultat de mon travail, confie Maxime. Mais j’ai rarement été mécontent de mes réalisations. Je suis satisfait de ce que j’apprends et de ce que je fais chaque jour. Lorsque ce n’est pas le cas, je l’exprime. »

Pour Camille, être mécontent ou déçu fait justement partie du travail artistique. « Comme je le dis à Maxime, accepter ses erreurs, c’est aussi accepter qui nous sommes. Et c’est par l’échec que nous avançons, car c’est dans ces moments-là que nous nous surpassons et que des frontières sont franchies. C’est l’échec qui nous fait progresser », déclare-t-elle.

La suite à donner à ce stage est dans les mains de Maxime : « Je me sens à l’aise ici. Je continue dans tous les cas jusqu’au mois de décembre et je verrais pour la suite, indique-t-il. Si ça me plaît, je peux toujours continuer. Si ça ne me plaît pas ou que je souhaite faire un autre stage, je sais que je peux aussi en discuter. »

Téléchargez les détails sur l’exposition The Bud à Mase jusqu’au 11 septembre 2022.

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